5. SAVOIR APPRECIER LE TALENT DES AUTRES
Une cinquième qualité que Pierre a cultivée est son appréciation des personnes talentueuses, plus compétentes que lui dans certains domaines, plus douées par le Saint-Esprit à certains égards.
Souvent, un dirigeant à peur de ceux qui pourraient lui voler la vedette. De telles personnes constituent une menace à son autorité. Il a du mal à leur laisser la place dans l’Église, puisqu’il sait très bien qu’il ne peut pas les traiter comme des auxiliaires, des aides, des porteurs de ses valises.
Voilà un grand problème dans le «leadership» aujourd’hui. Sous l’ombre d’un grand chêne rien ne pousse, dit-on. Sous l’ombre d’un pasteur qui se veut grand non plus.
C’est pourquoi on voit des gens compétents quitter l’assemblée, souvent après une ou plusieurs confrontations. Ceux qui trouvent telle assemblée trop étroite, et le pasteur trop ceci et trop peu cela, vont ailleurs, rejoindre une autre Église où l’histoire risque fort de se répéter, tôt ou tard, et ainsi de suite. Ou ils créent une nouvelle Église dont ils peuvent être le chef incontesté. Ou bien, ils rejoignent une œuvre. Autre option : partir en mission. Ou encore: se concentrer sur la carrière professionnelle et se désengager de l’œuvre du Seigneur. On ne compte pas ceux qui s’immobilisent «dans la na-ture», après avoir été rebutés par les traditions d’une Église. C’est un véritable drame.
Pierre était un grand homme. Un véritable révérend. On lui donnerait le titre de docteur «honoris causa». Mais il ne vivait pas son statut comme quelque chose à lui. Quelque chose qu’il fallait défendre, mettre en sécurité, et affirmer à tout bout de champ. Non, son ministère était pour lui une grâce. Comment pourrait-il en être autrement, après sa déconfiture pendant la nuit pascale, et après être gracié par le Seigneur ressuscité?
Regardez comment il donne l’honneur aux autres dans ses épîtres. Au lieu de décrire lui-même le message qu’il annon-çait et l’enseignement qu’il dispensait, il l’a laissé à Marc. Sans doute parce que Marc était meilleur écrivain que lui. Par conséquent, c’est Marc l’auteur de l’évangile de Pierre(15).
Au lieu de formuler son testament spirituel lui-même, il laisse la place à Sylvain, sans doute parce qu’il avait une belle plume. C’est pourquoi, Sylvain a rédigé l’épître qui porte le nom de Pierre, et Pierre tient à le remarquer (1 P 5.12).
Et écoutez bien les paroles bienveillantes qu’il consacre à Paul, celui qui n’avait pourtant pas été très tendre avec lui dans l’Église d’Antioche. Paul l’a ouvertement traité d’hypocrite (Ga 2).
De son côté, Pierre n’a pas médité la revanche. Au contraire, il a reconnu que sur le plan théologique, Paul avait une meilleure connaissance de certaines choses. Et il rend hommage à la sagesse qui a été donnée, non pas à lui-même, mais à Paul (2 P 3.15).
Un dirigeant qui se sent menacé par des collaborateurs plus compétents que lui dans certains domaines, va jouer son auto-rité et étouffer le potentiel. Il va finir par être entouré de médiocrité.
Un vrai dirigeant connaît ses limites et sait apprécier le capi-tal humain dont il est entouré. Sous sa direction, les talents des autres peuvent éclore.
Ceux qui ont envie de servir selon leurs qualités seront encouragés.
(15) Toutes les sources post-apostoliques s’accordent à dire que l’évangile de Marc constitue en fait le message et l’enseignement de Pierre. Marc écrit ce que Pierre lui a transmis. Mais il le fait avec une certaine liberté de plume, selon sa propre composition.