Summary: S’il y a quelque chose que personne n’aime, c’est bien le changement.

COMMENT NOUS COMPORTER FACE AU CHANGEMENT ?

2 Rois 2.1-18

S’il y a quelque chose que personne n’aime, c’est bien le changement. Même quand on sait que l’on doit passer à une autre étape, par exemple dans sa vie professionnelle – mutation, promotion, retraite – il est tout-à-fait naturel d’éprouver de la crainte. Y compris quand la nouvelle page qui se tourne est clairement bonne.

Même arrêter son travail pour partir en vacances n’est pas forcément simple : sortir de son rythme, subir les contre-effets d’un stress accumulé… les premiers jours sont parfois moins détendus qu’on l’aurait souhaité !

Quand une famille s’agrandit, on accueille avec joie la venue de l’enfant… mais les rôles des uns et des autres changent. La répartition des tâches aussi.

Quand un foyer diminue, parce que les enfants grandissent et vont mener leur vie adulte ailleurs ou, plus dramatiquement, à la suite d’un décès, tout est bouleversé. Des parents qui ont légitimement consacré beaucoup de temps et d’efforts pour éduquer leurs enfants devront affronter le jour où ils seront de nouveau deux. Passer d’une vie de couple, qui s’était construit son train de vie et ses repères, au veuvage est aussi un changement où – au-delà de la douleur de la rupture – la vie doit se reconstruire autrement.

Des changements anodins peuvent plus nous perturber que nous l’imaginons. Un déménagement de locaux d’Église, peut affecter l’attachement de certains à leur communauté. Ou un changement de recueil de cantiques, ou d’horaire du culte, ou d’organisation des activités… Un changement de pasteur et de direction d’Eglise. Alors pensez au projet d’ouverture d’un deuxième culte en Janvier 2013…

L’histoire de l’enlèvement d’Élie nous parle au sujet du changement.

Élie ce prophète exceptionnel, fidèle dans un environnement particulièrement hostile à son Dieu. Face au faible Achab et à la diabolique Jézabel, qui massacrait les prophètes de l’Eternel et qui cherchait à imposer le culte de Baal, son dieu phénicien, c’est Élie qui a défié les prêtres idolâtres au mont Carmel.

C’est Élie qui a démontré à tous que le seul Dieu capable de commander à la foudre et de faire revenir la pluie, c’était YHWH – alors que Baal était prétendument le dieu qui chevauche les nuages et qui dirige la météo.

Mais c’est aussi Élie, entendant les menaces de Jézabel, qui se désespère de l’état spirituel d’Israël et que Dieu doit relever, le conduisant jusqu’au mont Horeb, où personne n’était plus allé depuis la sortie d’Égypte, depuis que Moïse et le peuple de Dieu avaient levé le camp pour se diriger vers Canaan.

Et là, comme Moïse, caché dans une anfractuosité, avait entendu l’Eternel proclamer sa bonté pour Israël, Élie découvrira la grandeur de Dieu, depuis une caverne, où c’est le « son subtil d’un silence » qui lui révélera – de manière étonnante – la grandeur du Seigneur. Il apprendra aussi que 7000 hommes sont restés fidèles au vrai Dieu, malgré son impression de délabrement spirituel d’Israël. Exode 34.6-7 ; 1R 18-19

Élie c’est une « pointure » ! Il est la référence de la fidélité à Dieu en Israël… Et voilà qu’il va s’en aller. Vraiment. Pour de bon. Et après lui, Dieu a prévu d’établir Élisée comme successeur. Lui, on n’en sait pas grand-chose : avant notre récit, il est juste apparu, l’espace de cinq versets (1R 19.16-19) : le Seigneur a révélé à Élie qu’Élisée serait son successeur.

La vocation d’Élisée ressemble à celle de certains disciples des évangiles : il est en train de labourer son champ, Élie passe et l’appelle. Élisée va embrasser ses parents, sacrifie ses bœufs, dont il fait brûler la viande avec le bois de leur attelage. Puis il suit le prophète et le sert.

Rien de plus jusqu’à l’enlèvement de son maître : aucun oracle, pas de miracle, pas de spectacle. S’il devait présenter un CV de prophète, il manquerait quelques lignes sur ses réalisations professionnelles. Tout au plus, il y aurait la mention : « Stage sans évaluation auprès d’Élie ».

Et maintenant, Élie va être enlevé auprès de Dieu, et ce laboureur discret va le remplacer. Défi de foi pour Élisée… défi de crédibilité auprès des Israélites et en particulier auprès des « bandes de prophètes », ces hommes fidèles à l’Eternel qui devront accepter le changement.

La traversée du Jourdain, qui rappelle l’entrée en Terre Promise ou, plus loin dans le temps, la Mer des Joncs et la sortie d’Égypte, souligne combien le changement en question est important…

Dans ce récit, nous voyons trois types de réaction au changement, exprimés par Élie (qui s’en va), par Élisée (qui prend la succession) et par les fils des prophètes (témoins actifs de la transition) sans voir leur rôle particulièrement affecté.

Je propose de réfléchir à notre manière d’affronter les changements dans notre vie, à la lumière de ces trois références du récit. Comme nous l’avons déjà perçu, le changement implique à la fois une rupture d’avec ce qu’on a connu auparavant et une opportunité – plus ou moins bien vécue – d’entrer dans un nouveau monde, avec de nouveaux repères, etc.

1. LE CHANGEMENT EST UNE RUPTURE

Perdre Élie ! Perdre la référence spirituelle du royaume ! Il y a de quoi être troublé… Même pour Élie lui-même, il y a un défi.

Dieu, au moment de l’envoyer appeler Élisée, lui révèle que c’est ce dernier qui va terminer le travail de suppression de la succession du méchant Achab. Plus difficile encore peut-être, c’est maintenant qu’il apprend que 7000 hommes sont restés fidèles à Dieu – contrairement à son sentiment de s’être battu tout seul pour la cause du Seigneur – alors que son temps à lui va se terminer !

Il pourrait en ressentir une frustration : tout en étant heureux que, malgré tout, il subsiste un reste fidèle – et donc que son ministère n’est pas stérile – Élie ne pourra pas longtemps « jouir de ses bénéfices » : il sera par la suite très occupé par la gestion d’une incursion syrienne contre Samarie, par l’affrontement avec Achab au sujet de l’assassinat crapuleux du pauvre Naboth dont le roi voulait s’accaparer la vigne et par la suite de la succession mouvementée d’Achab. Pas le temps de se réjouir avec les fidèles, dans la paix, à l’ombre des oliviers et des figuiers.

Pourtant Élie ne semble pas manifester de trouble particulier de quitter son rôle. Il est porté par la révélation extraordinaire que l’Eternel lui a faite à Horeb et la perspective d’être enlevé, sans connaître la mort, vers son Seigneur est très belle. Il ne disparaît pas de l’histoire du salut : on le retrouvera, avec Moïse, au moment de la Transfiguration de Jésus, confirmant le Fils de Dieu dans son plan de salut – c’est Luc qui nous donne le détail de la conversation : « ils parlaient de son départ qui allait s'accomplir à Jérusalem. » Luc 9.31

À la place du prophète, cette perspective glorieuse aurait occupé tout mon esprit : je pars, mais vers le meilleur ! À moi le ciel et la présence aimante de mon Dieu ! Mais Élie montre en quoi il est un grand homme de Dieu : il pense à la suite et s’occupe d’Élisée.

Quand, trois fois, il dit à son serviteur : « Reste donc ici, car l’Eternel m’envoie », ce n’est pas un ordre rigide. C’est plutôt une intention pédagogique, pour amener Élisée à se prendre en mains, à ne plus simplement être un serviteur soumis, mais à s’engager dans son rôle de futur prophète en Israël.

Quand Élisée le suit au-delà du Jourdain, alors il lui présente l’opportunité de répondre à une requête avant la séparation : là aussi, il ne « prémâche » pas les choses. C’est à Élisée de demander…

Élie nous parle : le changement qu’il vit ne l’amène pas à se focaliser sur les difficultés ou les avantages qu’il lui présente. Il sait aussi accompagner le changement – sans non plus « piloter » la suite des événements – en faisant un travail pédagogique, en stimulant son successeur. Bref, il ne pense pas qu’à lui-même !

Élisée, lui, montre sa maturité : face au départ de son maître, il ne se laisse pas abattre. Il résiste aux trois propositions d’Élie, chaque fois en jurant avec force « Par la vie de l’Eternel et par la vie de ta personne, je ne t’abandonnerai certainement pas ! »

Ce n’est pas parce que son guide va lui être enlevé qu’il ne restera pas fidèle au poste jusqu’au bout.

Quand les fils des prophètes viennent lui annoncer le départ miraculeux d’Élie, comme s’il devait être mis au courant et sans doute avec un ton décourageant, il leur dit de se taire.

La suite du texte nous montre qu’il sait que la rupture va venir, mais qu’il sait aussi quelles responsabilités prendre.

Face aux changements qui peuvent nous affecter, en particulier les changements qui touchent directement les autres, Élisée nous enseigne à persévérer dans nos relations et à comprendre quelles sont nos responsabilités face au changement.

Il y a toujours des voix de découragement, des incitations à la passivité… et c’est là que nous devons, comme Élisée, rester fidèles jusqu’au bout et nous préparer à la suite.

Quant aux fils des prophètes, leur exemple nous laisse sur notre faim : ils ont bien compris, par révélation, ce qui allait arriver à Élie. Mais la suite de leurs réactions montre qu’ils ne vont pas plus loin. Ils avertissent Élisée, sans plus.

Et même après le départ d’Élie ; après la preuve de la succession – Élisée a repris le manteau de son maître et traverse le Jourdain par un miracle semblable – qu’ils accueillent favorablement : « L’Esprit d’Élie s’est posé sur Élisée ! » (v.15) – ils lui proposent tout de suite d’aller quand même à la recherche du prophète disparu.

Ils comprennent que l’Esprit de Dieu agit avec puissance, mais sans nuance : ils pensent que le souffle divin peut avoir jeté Élie sur une montagne ou dans un ravin. Ce sont de bons charismatiques – alléluia ! – mais il leur manque la sagesse et le discernement, pour vraiment comprendre pourquoi Dieu parle et pourquoi il fait des miracles…

L’exemple imparfait des fils des prophètes nous enseigne, dans notre confrontation au changement, à toujours plus et mieux écouter Dieu, à ne pas le « lâcher » pour vite nous appuyer sur nos raisonnements mal inspirés et nos réactions « automatiques ».

La puissance de l’Esprit agit toujours avec un sens, pour nous apprendre quelque chose sur Dieu, sur nous. Chercher la prophétie juste pour la prophétie ou le miracle pour le miracle, sans demander au Seigneur où il veut nous amener, par les cadeaux miraculeux qu’il nous fait, c’est rester, comme les fils des prophètes, au bord du Jourdain, à regarder les prophètes qui passent comme les vaches contemplent les trains, sans évoluer et sans grandir…

2. LE CHANGEMENT EST UNE OPPORTUNITÉ

Pour ce second volet, nous nous concentrerons sur Élisée et sur les fils des prophètes.

Élie n’appartient pas à la suite directe du récit : comme nous l’avons vu, il appartient à l’histoire encore lointaine de la venue de Jésus, le Sauveur.

Mais Élisée et les fils des prophètes, eux, restent.

Le premier sait qu’il va devoir succéder à son maître.

Au moment où celui-ci lui demande ce qu’il désire, il fait une requête dont on peut mal comprendre le sens. Qu’est-ce que cette « double portion » de l’Esprit ?

Il est évidemment question du Saint-Esprit : l’Esprit « d’Élie » signifie, l’Esprit de Dieu qui animait Élie. Mais Dieu l’Esprit est-il un gâteau dont on peut donner des portions plus ou moins grosses ? Élisée veut-il plus d’Esprit que son maître ? Ce serait, au vu du grand ministère de celui-ci, passablement orgueilleux !

En fait, Élisée utilise une expression technique, qui apparaît dans la loi de Moïse Dt 21.17 : Mais il reconnaîtra pour premier-né le fils de celle qu'il aime moins et il lui donnera sur tout son avoir une double part.

Dans le Deutéronome, il est dit qu’un père doit donner à son fils principal héritier une « double part ». Le fils aîné reçoit deux fois plus de l’héritage que les autres. Par exemple, si quatre fils sont héritiers, on découpe l’héritage en cinq parts : deux parts vont à l’aîné et les trois autres fils reçoivent chacun une part.

Élisée n’est pas en train de parler de quantité de Saint-Esprit (Dieu étant infini, il est assez absurde d’essayer de le faire grandir ou de le rétrécir). Il est tout simplement en train de dire à Élie qu’il veut prendre, comme prévu, sa succession. D’ailleurs, laissons au fils de prophètes la lucidité de constater qu’Élisée a sur lui l’Esprit d’Élie, sans préciser – ce qui serait faux ! – qu’il y en aurait deux fois plus.

La succession est aussi manifestée par un double geste : au moment de l’enlèvement, Élisée déchire son manteau en deux. Tout-de-suite après, il « ramasse le manteau d’Élie qui était tombé de celui-ci ». Ce manteau était le signe distinctif de son maître. Ce n’est pas un objet magique, mais bien le moyen pour Élisée de « revêtir son nouveau rôle ». Comme Élie a frappé l’eau du Jourdain avec ce manteau, Élisée crie à Dieu, demandant la confirmation de la transmission du ministère (« Où est l’Eternel, le Dieu d’Élie ? », v. 14).

Le miracle confirme le « transfert » et les fils des prophètes témoignent en appui de la réalité du changement : « L’Esprit d’Élie s’est posé sur Élisée ! » Ils viennent se prosterner pour exprimer leur respect envers le nouveau prophète, ajoutant les actes aux paroles.

À la place d’Élisée, peut-être serions-nous portés d’enthousiasme d’avoir à portée de main la puissance de faire toutes sortes de miracles ? D’ailleurs, tout-de-suite après l’épisode que nous avons lu, le nouveau prophète assainira l’eau malsaine de Jéricho et fera surgir deux ourses pour mettre un terme à une agression profondément insultante de la part d’une bande de jeunes arrogants qui, injuriant le prophète, s’opposaient au Seigneur.

Mais le prophète ne se laisse pas enivrer par l’euphorie.

Il va être pédagogue auprès des fils des prophètes. Ils insistent tellement – littéralement, l’hébreu dit, de manière colorée, qu’ils l’ont « pressé jusqu’à la honte » – pour aller quand même chercher Élie, qu’Élisée se laisse faire. On pourrait lui reprocher un manque de fermeté, mais en fin de compte, son « laxisme » lui donne raison.

Les fils de prophètes, entêtés et incapables de voir plus loin que leurs schémas de puissance, refusant sans doute d’accepter le changement et donc le départ d’Élie, vont devoir se balader trois jours par monts et par vaux, pour finalement « découvrir par eux-mêmes » que la transition est définitive.

Sur ce plan, Élisée se montre bien le successeur d’Élie le pédagogue : il a hérité de l’Esprit, non seulement en traversant miraculeusement le Jourdain, mais en prenant en charge l’éducation spirituelle des fils des prophètes – c’est moins spectaculaire, mais sans doute encore plus important : aider des personnes à mieux servir Dieu est plus essentiel qu’avoir du pouvoir sur un élément de la nature…

Il y a des réalités qu’on n’apprend que par expérience.

Le Seigneur, parfois, semble nous laisser aller « malgré tout » sur des chemins discutables, parce qu’il sait que ce que nous expérimentons (y compris négativement) a une réelle capacité à approfondir notre vision des choses.

Ainsi, le processus de deuil, avec les étapes de culpabilité, de questions, de révolte et, finalement, d’acceptation, ne nous est pas souvent épargné : c’est parce que ces mécanismes intérieurs nous aident à évoluer, à mûrir.

L’exemple pédagogique d’Élisée nous incite à « sortir de nous-mêmes » pour voir en quoi Dieu nous appelle à accompagner notre prochain dans le changement.

Sortir de l’égocentrisme, si facilement présent quand il faut gérer les changements, pour rester conscient des autres personnes impliquées et se responsabiliser pour développer la communion et le dialogue, est un réel défi que le Saint-Esprit veut nous apprendre à relever.

CONCLUSION

Dieu nous appelle à vivre le changement dans la sagesse que nous inspire l’Esprit.

Il nous conduit à dépasser la sphère de nos préoccupations individuelles, pour nous rendre solidaires les uns des autres dans les changements que nous vivons.

Il y a des chemins de deuil et de renaissance, marqués par des étapes nécessaires : ne les esquivons pas, ne vivons pas dans le déni !

Il y a aussi le risque, portés par l’euphorie, d’oublier de se préoccuper des autres et des désirs de Dieu : prions pour que l’Esprit-Saint nous garde attentifs aux besoins de notre prochain et qu’il nous donne d’accomplir la volonté de Dieu.